Laurence Sylvain
Université de Montréal
Laurence Sylvain est candidate au doctorat en littérature comparée (option « Théorie et épistémologie de la littérature ») à l’Université de Montréal. Son projet de thèse vise le développement de la notion de rencontre en tant que phénomène au cœur de la pensée à partir d’une lecture de l’œuvre de Pierre Klossowski. Elle a publié en Amérique et en Europe, notamment « L’origine du désastre. Le motif du hasard dans Les larmes de Pascal Quignard » (2019) dans la revue américaine Le sans-visage ainsi que « La pensée pensante ou le renouvellement de l’intellect interprétatif. Porosité entre les disciplines et rapport au savoir » (2018) dans la revue roumaine Mélanges francophones. Ses recherches s’inscrivent principalement dans les champs de l’épistémologie, de la figuration, de l’essai, des traces du sacré dans la littérature du XXe siècle et de la critique de l’œuvre de Pierre Klossowski.
Cet article déploie une réflexion épistémologique sur la littérature, l’éthique et la philosophie ainsi que sur la littérature en tant qu’incommunicabilité. Alors que la critique éthique a gagné de plus en plus d’intérêt depuis les années 1990, les liens historiques et théoriques entre la philosophie et l’éthique en tant que discours de la raison humaine et du progrès n’ont pas été examinés en profondeur. Pourtant, ils tendent à montrer que les deux discours subordonnent la littérature à leurs propres présupposés, faisant ainsi de la littérature un simple réceptacle pour leurs revendications et messages.
As ethical critique has been gaining considerable steam since the 1990s, the historical and theoretical links between philosophy and ethics as communicators of human reason and progress have not been thoroughly considered, even as these links tend to underline that both discourses use literature as a simple vessel for ethics and philosophy own claims and messages. Unfolding an epistemological study on literature, ethics and philosophy, this article aims to consider literature’s incommunicability as a key factor in this situation.
En aucun cas, devant une œuvre d’art ou une forme d’art, la référence au récepteur ne se révèle fructueuse pour la connaissance de cette œuvre ou de cette forme […]. De même, l’art présuppose l’essence corporelle et intellectuelle de l’homme, mais dans aucune de ses œuvres il ne présuppose son attention. Car aucun poème ne s’adresse au lecteur, aucun tableau au spectateur, aucune symphonie à l’auditoire1Walter Benjamin, La tâche du traducteur, dans Œuvres I, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 2000, p. 244..
Vieille et fière pensée qui nous vient d’une époque où l’« impératif de connaissance de l’esprit » venait, pour la première fois, d’être établi solidement ; d’une époque qui, à l’instar de la nôtre, traversait une crise de démocratie ; d’une époque enfin qui, sortant des langages du mythe, imposa à tous les âges à venir les droits et les imprescriptibles exigences de la raison. Une raison non pas physicienne, comme le pense notre époque, mais une raison éthique2Benjamin Fondane, Faux traité d’esthétique : essai sur la crise de réalité, Paris, Éditions Plasma, 1980, p. 30. Désormais FTE..
La littérature, à l’instar de Némésis, a toujours été menaçante. Elle a rapidement terrifié la philosophie, principalement cette philosophie que l’histoire, donc l’humain, aura nommée « idéaliste » : la philosophie platonicienne, que l’on pourrait appeler une philosophie de l’« agir juste », où l’individu du fameux « connais-toi toi-même » (le plus petit), ne peut se situer dans le monde3Il importe ici de rappeler un détail trop souvent omis par les critiques du philosophe : à savoir que la notion de monde n’a jamais été divisée par Platon. Il n’y qu’un seul monde chez le penseur grec, un monde composé de deux réalités tout aussi réelles l’une que l’autre, mais dont l’une est une réalité que l’on appelle communément « intelligible », dont la réalité se situe dans l’ordre de la vérité, et la seconde, une réalité sensible qui n’appartient pas à l’ordre de la vérité, mais qui n’en est pas moins réelle. Leur différence ne se situe pas au niveau de leur réalité, mais elle est ontologique. Cette « division » que l’on associe à Platon provient en fait de la lecture platonicienne de Philon d’Alexandrie, qui dans son De Opificio Mundi parle bien de deux « mondes ».
(le plus grand) qu’à partir d’une pratique, d’un agir éthique, de la connaissance de soi. La question ne concerne pas ici les conséquences que la philosophie platonicienne aura exercées sur l’histoire de la pensée : celles-ci ont déjà fait couler suffisamment d’encre. Il s’agit plutôt de mettre l’accent sur l’une des importantes motivations qui la sous-tendent, à savoir la capacité de distinguer le vrai du faux, le bien du mal, par une pratique discursive – la dialectique – considérée comme vertueuse, morale, ou éthique. C’est par rapport à cette pratique de triage éthique que Platon situe la littérature, la « poésie », en l’excluant de sa Cité philosophique – en partie seulement, puisque la poésie doit elle aussi se soumettre à un tri, à partir duquel la bonne poésie, celle du « Bien » selon les normes de l’ordre éthique promu par Platon, pourra y demeurer. La poésie doit être triée : elle inquiète, elle fait trembler, et c’est en cela qu’elle ressemble déjà à Némésis, déesse qui châtie l’orgueil des humains. Une littérature qui ne se soumet pas à la connaissance humaine – ni à une quelconque fonctionnalité éthique de cette connaissance –, fait état d’un débordement, et d’une impossibilité à surmonter la contingence, ce qui revient à dire qu’elle se dérobe à tous rapports causaux. De plus, ce que la figure de Némésis permet ici de conjecturer – si l’on prend au sérieux sa fonction, qui consiste à châtier les êtres humains coupables d’hybris, orgueil de celui qui se prétend l’égal des dieux – c’est qu’une telle Némésis, une telle littérature, se serait vengée de Platon lui-même. Sa foi en la raison philosophique ne poussait-elle pas ce dernier à croire que la connaissance humaine pouvait aller jusqu’à maîtriser la réalité suprasensible ? Autrement dit, que l’omniscience de la raison humaine, capable de tout comprendre et de tout contrôler, était cela même qui permettait à l’humain d’agir de manière juste. Une littérature Némésis, en ce sens, n’est pas une littérature de l’universel, dès lors qu’elle châtie celui qui prétend parvenir à une totalisation de l’expérience par la connaissance – dans le cas de Platon, par une connaissance éthique de l’expérience. Penser une littérature-Némésis, c’est du même coup penser une littérature qui ne répond ni ne se soumet aux demandes de la raison et de l’éthique humaines.
La critique platonicienne des poètes4Il m’apparaît ici nécessaire de traverser de manière assez détaillée la critique platonicienne des poètes menant à leur exclusion de la cité, dans la mesure où les critiques du logocentrisme, reprises depuis Derrida, et de la pensée occidentale telle que l’a qualifiée notamment Heidegger, citent souvent le philosophe grec comme exemplaire de ces violences. s’appuyait bien sûr sur une nécessité éthique, c’est-à-dire morale5Dans la mesure où la tardive distinction qui s’est opérée entre les termes « éthique » et « morale » n’est pas suffisante pour assurer que l’éthique ne soit pas seulement le nouveau nom donné à la morale, ou qu’elle ne lui soit pas subordonnée en tant qu’agir basé sur des principes dits moraux., d’exclure les poètes de la Cité philosophique, dès lors que la poésie est moralement mensongère, et par conséquent risque de contaminer et de désagréger le caractère moral de celles et ceux qu’elle atteint. Ainsi les poètes, êtres doués d’une capacité morale dont ils font fi en produisant de la poésie immorale, n’ont pas le droit de rester dans la Cité idéale : ils sont, on le comprend bien, censurés. Pour justifier cette exclusion, Platon use d’un argument fameux à propos de la représentation, qui imite à la fois un original et sa copie, or l’argument vise non seulement à les différencier, mais à en établir les différentes valeurs :
– Voici, dit-il, à mon avis le nom le plus approprié dont on pourrait le nommer : imitateur de ce dont eux sont les artisans. – Soit, dis-je. Donc tu nommes imitateur l’homme du troisième degré d’engendrement à partir de la nature ? – Oui, exactement, dit-il. – C’est donc aussi ce que sera le faiseur de tragédies, si l’on admet que c’est un imitateur : par sa naissance il sera en quelque sorte au troisième rang à partir du roi et de la vérité ; et de même pour tous les autres imitateurs6Platon, La République, trad. Pierre Pachet, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 1993, p. 496, 597e..
Or dans ce passage de la République, où est esquissée seulement la critique des poètes comme imitateurs, sont en jeu bien d’autres choses encore. On sait, bien sûr, que la critique se poursuit, à partir de cet échelonnage entre la vérité (original) et l’imitation (copie), en insistant sur le fait que le poète n’est pas seulement un imitateur de la vérité, mais bien un imitateur de copies de la vérité, déchu dans la semblance et le faux :
Il serait par conséquent juste que maintenant nous nous intéressions à lui, et que nous le placions symétriquement par rapport au peintre, comme son antistrophe. En effet il lui ressemble en ce qu’il fabrique des choses médiocres, sous le rapport de la vérité ; et il se rapproche de lui également par les relations qu’il entretient avec cet autre élément de l’âme qui est du même ordre que lui, au lieu d’en entretenir avec le meilleur. Et ainsi désormais c’est en toute justice que nous nous pourrions refuser de l’accueillir dans une cité qui doit être gouvernée par de bonnes lois, puisqu’il éveille cet élément de l’âme, le nourrit et, le rendant plus robuste, détruit l’élément consacré à la raison ; comme lorsque dans une cité, en donnant du pouvoir aux méchants, on leur livre la cité, et qu’on mène à leur perte les hommes plus appréciables. Nous affirmerons de la même façon que le poète spécialiste de l’imitation fait entrer lui aussi un mauvais régime politique dans l’âme individuelle de chacun : il est complaisant avec ce qu’il y a de déraisonnable en elle, qui ne reconnaît ni ce qui est plus grand ni ce qui est plus petit, mais pense les mêmes choses tantôt comme grandes, tantôt comme petites ; et il fabrique fantomatiquement des fantômes, qui sont tout à fait éloignés de ce qui est vrai7Ibid., p. 505, 605a-b..
La pratique dialectique mise en scène par Platon à travers la figure de Socrate suppose toujours une connaissance de soi qui passe par le discours ; par ce fait même, elle suppose aussi la possibilité de connaître et de maîtriser le monde grâce à la raison qui appartient au soi. Autrement dit, que la connaissance en soit une de l’immanence ou de la transcendance, elle est toujours tout entière liée à la capacité de l’homme à connaître, donc à maîtriser le réel et le vrai à partir d’une pratique discursive qui le débarrasse du faux et de la doxa, lui permettant d’agir et de penser d’une manière morale, éthique. Il appartient donc à l’humain de reconnaître le vrai du faux et parce que cette tâche lui est échue, c’est cela même qui fait du poète un être à exiler de la cité : non seulement imite-il des copies de la vérité, il le fait alors même qu’il devrait avoir la capacité de distinguer le vrai du faux. Sa bassesse morale, et son rapport irréfléchi à la vertu, justifient donc son exclusion. Le poète se sait producteur de faux : c’est là, principalement, que réside la critique. À la suite de ces affirmations, Socrate adresse ce qu’il nomme dans le dialogue sa plus sévère critique à l’égard des poètes, à savoir que ceux-ci génèrent chez leurs auditeurs et spectateurs des affects détournés de la raison ; que la production de ces affects, ressentis à travers des « autres » que sont les personnages ou protagonistes, accroît le rejet du poète. C’est que celui-ci, par son art, donne l’impression que l’apparition de ces affects déraisonnables n’est pas problématique, car elle ne concerne pas directement celui ou celle qui les ressent. C’est de cette partie de la critique, de cette affirmation quant à l’influence des poètes sur les individus, que découlent toute la question éthique et toute l’importance accordée au rôle des poètes en tant que potentiels transmetteurs de contenus éthiques. Dès lors, les poètes qui traitent du Beau, et du Bien, de façon raisonnable donc morale, pourront demeurer dans la Cité. Car pour le Socrate de Platon, tout part toujours de l’individu : c’est le fameux « connais-toi toi-même », d’où la nécessité du dialogue. Il faut que le soi, l’individu, se connaisse, pour ensuite former le collectif ; jamais l’inverse. Que Socrate dise ensuite que sa critique la plus dure est celle du poète comme menant aux affects qui détournent du soi le confirme. Se sachant producteur de faux, le poète entraîne les autres à sa suite, précisément parce que le collectif prend son point de départ, son origine dans l’individu : on est là encore dans une réflexion sur l’original et la copie, car là où l’individu qui pratique la dialectique se rapproche du vrai, le collectif, d’une certaine manière, imite l’individu. Les conséquences des interprétations de ce dialogue platonicien sont ainsi multiples : non seulement en tire-t-on une opposition indéfectible entre original (vrai) et copie (faux) du point de vue ontologique, on en retient aussi un rapport au monde où les êtres humains ont la possibilité, en vertu de la pratique de la raison – c’est-à-dire d’une raison morale -, d’en contrôler tous les aspects, et de progresser vers le Bien en suivant une conduite ordonnée par cette dite morale. Nous utilisons « ordonnée » à dessein, puisque toute la Cité platonicienne se crée à partir de l’ordre et du rôle conféré par cet ordre à tous ceux qui la constituent. Le poète produit du faux en faisant usage du langage, du logos, cet outil fondamentalement philosophique qui permet, par le dialogue, par la dialectique, d’atteindre la vérité. Ainsi, le poète est plus vil que le peintre, puisqu’il subvertit la puissance dialectique du logos : il ébranle et déborde le logos tel que le conçoit la foi philosophique en celui-ci ; il ébranle l’éthique elle-même, intimement liée au logos, et c’est là son danger. Comment ne pas voir, dans le « tournant » éthique qui perdure depuis près d’une trentaine d’années, le spectre du geste d’exclusion de la littérature posé par Platon ?
On sait, bien sûr, qu’Aristote « renverse » l’exclusion platonicienne de la poésie en la situant du côté du général, du possible, contrairement à l’histoire qui, elle, appartient au particulier, à ce qui s’est déjà réellement passé. Il reste cependant que, pour justifier le retour de la poésie au sein de la Cité, Aristote revient fatalement à la question de l’éthique, de la vertu, à travers la notion de « catharsis ». Une catharsis qui, dans le cadre d’une représentation tragique, a le pouvoir de canaliser les affects négatifs des citoyens afin de les rendre à la Cité vidés, apaisés et surtout, nettoyés, purgés de leurs désordres affectifs, donc plus aptes à la vertu, à un comportement éthique8On sait que le terme catharsis utilisé par Aristote est en grec polysémique : il renvoie à l’idée de purgation, de nettoyage – qu’il soit religieux, médical, philosophique et éthique ou politique -, proche du pharmakon, compris en tant que remède et poison, qui sert dans le Phèdre à désigner l’écriture. Voir, à cet effet, Jacques Derrida, La pharmacie de Platon, dans La dissémination, Paris, Éditions du Seuil, 1972. Le terme purgation est d’ailleurs souvent employé pour traduire le grec κάθαρσις : « Donc la tragédie est l’imitation d’une action de caractère élevé et complète […] imitation qui est faite par des personnages en action et non au moyen d’un récit, et qui, suscitant pitié et crainte, opère la purgation propre à pareilles émotions » (Aristote, Poétique, trad. J. Hardy, Paris, Gallimard, 1987, p. 87, 1449b).. Ainsi, autant chez Aristote que chez Platon, et malgré le fait qu’Aristote paraît restituer à la poésie une valeur qui chez Platon lui était refusée, la poésie – pour ainsi dire, la littérature – n’a de valeur justement que si elle est subordonnée à la philosophie et à l’éthique, qui sont, chez les deux penseurs grecs, inextricablement liées : pas de philosophie sans un agir éthique, pas d’agir éthique sans recours à la philosophie et à la raison, donc au logos. C’est dire que la littérature n’a de valeur que si elle occupe un rôle que la philosophie et la connaissance lui ordonnent d’occuper : celui du perfectionnement moral. Si la littérature ne se fait pas instrument de l’éthique, et par défaut, de la philosophie, donc si elle ne trouve pas un rôle précis dans l’édifice du savoir humain, elle ne vaut proprement rien. Ce n’est qu’une fois instrumentalisée par l’éthique et la philosophie que la littérature peut avoir une valeur véritablement purgative, et ainsi participer à la bonne conduite de l’individu. En somme, elle n’est rien si elle n’accepte pas de suivre l’ordre – en tant que tri, organisation, système, et bien sûr en tant qu’imposition – éthique. L’éthique donne son rôle à la littérature, et celle-ci s’ordonne en fonction d’une visée éthique.
Cette menace littéraire contre un « agir juste », qui fait frémir depuis les Grecs, la voilà aujourd’hui non pas de retour, puisqu’elle n’a jamais disparu, mais plutôt de nouveau au grand jour, présente sous l’éclat de tous les soleils de la critique9Il faut bien comprendre l’allusion au soleil en tant que symbole de la connaissance, qui persiste depuis, notamment, l’Allégorie de la caverne de Platon, et son envers qu’est le soleil de midi nietzschéen qui révèle l’éternel retour., en effervescence constante depuis ce que l’on a appelé, dans les années 1990, le « tournant éthique » de la critique littéraire10À cet effet, voir l’article de Robert Eaglestone, « Ethical Criticism » (dans Michael Ryan [dir.], The Encyclopedia of Literary and Cultural Theory, 2010, <https://onlinelibrary.wiley.com/
Ce tournant, ou plutôt cette résurgence de l’éthique en tant que point de départ et point d’arrivée de la critique et de la littérature, Benjamin Fondane, déjà en 1938 dans son Faux Traité d’Esthétique, l’articulait avec une profonde acuité :
M. Caillois attaque la poésie en un point faible qu’elle n’avait pas du temps de Platon, qu’elle n’a que d’aujourd’hui, et qui la livre, vulnérable, impuissante, pieds et poings liés, à son ennemi héréditaire. J’appelerai ce point faible : la conscience honteuse du poète. Qu’est-ce à dire ? Mais ceci : sous la poussée et la pression de l’événement spéculatif, le poète, à son tour, s’est mis à mépriser le « charme », il a perdu confiance en la vertu qui le rend poète, il en est venu non seulement jusqu’à haïr, mais jusqu’à perdre l’intelligence du transcendant, du religieux, du mystère ; ses supports métaphysiques, ainsi que des passions « frivoles », des affections « insensées » : ses supports existentiels. Pour échapper à la vindicte de la raison et sauver néanmoins son propre bien, l’artiste s’est vu obligé d’avoir recours au mensonge éthique, de travestir ses intentions, de recourir au piège du perfectionnement moral du lecteur. Pour échapper à l’opprobre universel, il s’est jeté de lui-même dans les bras du mécanicisme, du scientisme, de l’éthicisme, de la pensée spéculative11Benjamin Fondane, op. cit., p. 35..
Ce que Fondane nomme « la conscience honteuse du poète » va de pair avec la critique elle-même, aussi écrit-il, dans la préface du FTE : « La vie – tout comme la poésie – n’a pas de pire ennemi que le “climat critique”12Ibid., p. 21.. » La faiblesse contemporaine de la poésie que mentionne Fondane est aussi foncièrement liée à l’institutionnalisation des disciplines, et donc, à la multiplication des recherches dites critiques, ainsi qu’à une sécularisation qui concerne, entre autres, la littérature. Or le climat critique que mentionne Fondane tient, à titre de figure de pensée, la même position que la philosophie. C’est qu’il opère, comme la philosophie, une subordination de la littérature à son discours, subordination exacerbée par la force des institutions qui accompagnent la critique. Ainsi, cette dernière ordonne et pousse le poète à modifier son propre rapport à ce qu’il crée, l’acculant à un cercle vicieux où il finit par servir cette même critique qui le réduit à néant en ne l’utilisant qu’à son propre escient. Autrement dit, Fondane affirme ici que le mouvement de la critique est le même que celui déjà opéré par Platon, puis par Aristote : comme eux, elle ordonne à la littérature son rôle, et cette dernière doit alors se présenter et se créer à partir de ce même rôle. C’est là l’un des dangers qui résident dans tout « climat critique », en tant que structure qui établit des valeurs propres aux divers discours et qui, que cela soit voulu ou non, poursuit un geste similaire à celui posé par Platon : un geste de triage qui différencie les formes bonnes et mauvaises de la représentation. En effet, d toute critique ayant la certitude d’établir un discours clair et éthique risque d’utiliser la littérature comme un objet dont elle se saisit pour affirmer des présupposés moraux. Le terme « objet » est employé ici non pas dans son sens philosophique d’objet pour la pensée, mais bien dans son sens ordinaire, parce qu’il fait précisément partie de cette structure. La relation entre l’objet étudié et la critique, lorsqu’elle est pensée en termes de triage, impose aux œuvres d’art le statut d’objet, dans son sens le plus banal, à savoir celui d’article, de denrée, de marchandise, dans une optique exclusivement communicationnelle. Les objets culturels ou artistiques sont ainsi considérés comme des « produits dérivés » du réel qu’il faut consommer, ou recevoir, de manière à les rendre au réel par leur usage, qui consiste en leur capacité à transmettre un message éthique, et du même coup, à les placer dans un rapport de causes à effets. Le texte transmet un message qui permet à celui ou à celle qui l’a bien reçu d’agir plus justement. La critique, en ce qu’elle va de pair avec une raison qui trie, définit et détermine, finit toujours par octroyer un rôle précis et intelligible, dans l’univers de la raison, aux objets qu’elle étudie. Et l’un des présupposés les plus tenaces concernant la littérature, depuis la critique platonicienne fondée sur l’éthique, présupposé qu’avec Fondane et Benjamin, cités en exergue, je refuse, est celui selon lequel le rôle de la littérature serait de s’adresser à quelqu’un : elle serait d’abord un objet d’information, objet échangeable, là où il est si facile de la laisser être incorporée et engloutie par une instrumentalisation communicationnelle.
Or le langage échappe sans cesse à l’intention, à la transmission et à l’humain, tout simplement parce qu’il les déborde. Cela ne signifie pas que le langage n’est pas dans le monde, ni même qu’il n’est pas humain, raccourci trop souvent emprunté sous l’effet d’une tendance à penser en couples d’oppositions figés plutôt qu’à partir de leur rencontre, rapport causal qui découle du principe de non-contradiction (si cela signifie ceci, cela signifie qu’il ne peut vouloir dire ceci.) Le langage déborde l’intention humaine et la transmission humaine parce qu’il est toujours polysémique, et qu’il a à voir avec la prosopopée, c’est-à-dire le masque, le camouflage. Tel que l’a si bien dit Benjamin, que je me permets ici de paraphraser, le langage est si profondément imbriqué dans l’histoire humaine, qu’en lui se tiennent tous les résidus, les déchets, les ruines du progrès que celle-là même, trop obnubilée par l’idée de progrès, a oublié13Walter Benjamin, Sur le concept d’histoire, Paris, Éditions Payot et Rivages, 2013, p. 65-66. Je réfère bien sûr à la section IX où apparaît l’Ange de l’Histoire.. C’est la simple possibilité de ce débordement qui terrifie d’ailleurs Platon, l’obligeant, dans la logique de son raisonnement, à expulser les poètes de la Cité philosophique. Du reste, il me faut bien admettre que ce geste philosophique témoigne d’une grande compréhension de la puissance littéraire, de l’impossibilité de la contrôler par la morale, que l’on appelle aujourd’hui éthique, et à laquelle le philosophe répond en l’incorporant à son système, tant qu’elle y correspond et qu’elle le sert.
C’est précisément en se forçant à endosser un rôle qui provient de l’extérieur que le poète continue de se faire « conscience honteuse », là où il ne sert plus que les présupposés de ses lecteurs et lectrices, où il s’affirme lui-même éthique, moral, « travestissement » d’une lutte contre la censure platonicienne où le poète est assimilé à sa poésie : il devient immoral si sa poésie l’est, dès lors que la lecture éthique lui impose un rôle d’influence sur les individus qu’il atteint, influence qui ne va pas de soi, ou qui va de soi exclusivement dans un univers qui ne peut s’empêcher de tout lire comme une communication cherchant à convaincre. En réponse à la crainte que le message soit mal reçu, cette lecture éthique demande aussi à la littérature de se faire l’image d’un réel que les individus moraux, ou éthiques, doivent vouloir atteindre. C’est cet espace communicationnel qui permet de jeter l’anathème sur une littérature qui ne se conformerait pas à l’image éthique désirée du monde, et qui ne servirait pas la cause exclusivement humaine du progrès à la sortie d’un siècle qui s’est évertué à démolir l’idée selon laquelle les capacités raisonnable et morale de l’être humain l’amènent toujours plus vers le bien. Ou encore, dans les mots de Fondane, là où « une raison qui se nie, pour des motifs de raison, est encore une raison14Benjamin Fondane, op. cit., p. 24. ».
C’est aussi au cours du XXe siècle que les théories de la lecture15Évidemment, il y a les théories de la réception, articulées au sein de ce qu’on appelle communément l’École de Constance, c’est-à-dire les textes de Jauss et d’Iser : voir Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, Gallimard, 1978 ; Wolfgang Iser, L’acte de lecture. Théorie de l’effet esthétique, Bruxelles, Éditions Mardaga, 1995. Voir aussi : Rosmarin Heidenreich, « La problématique du lecteur et de la réception », Cahiers de recherche sociologique, no 12, 1989, p. 77-89 ; Umberto Eco, Lector in fabula, Paris, Le livre de Poche, 2011 ; Fabien Pillet, « Que reste-t-il de l’École de Constance ? », Études Germaniques, vol. 3, no 263, 2011, p. 763-781 ; Valérie Cools, « Le lecteur en théorie. Entre plusieurs modes de pensée », dans Figures et discours critique, 2011, <http://oic.uqam.ca/
Eh bien, je me dis, vous voyez bien, avoir une idée, ce n’est pas de l’ordre de la communication, en tout cas. […] Je veux dire à quel point tout ce dont on parle est irréductible à toute communication. Ce n’est pas grave. Ça veut dire quoi ? Cela veut dire, il me semble que, en un premier sens, on pourrait dire que la communication, c’est la transmission et la propagation d’une information. Or une information, c’est quoi ? C’est pas très compliqué, tout le monde le sait : une information, c’est un ensemble de mots d’ordre. Quand on vous informe, on vous dit ce que vous êtes censés devoir croire. En d’autres termes : informer c’est faire circuler un mot d’ordre. Les déclarations de police sont dites, à juste titre, des communiqués ; on nous communique de l’information, c’est à dire, on nous dit ce que nous sommes censés être en état ou devoir croire, ce que nous sommes tenus de croire. Ou même pas de croire, mais de faire comme si l’on croyait, on ne nous demande pas de croire, on nous demande de nous comporter comme si nous le croyions. C’est ça l’information, la communication, et, indépendamment de ces mots d’ordre, et de la transmission de ces mots d’ordre, il n’y a pas de communication, il n’y a pas d’information. Ce qui revient à dire : que l’information, c’est exactement le système du contrôle16Gilles Deleuze, « Qu’est-ce que l’acte de création ? », conférence, 1987, <https://contemporaneitesdelart.fr/
L’affirmation précitée de Deleuze ne recouvre pleinement son sens que si l’on se rappelle à quel point Deleuze a lui-même tenté, à la suite de Nietzsche, de poursuivre une réflexion liée à un « renversement du platonisme », qu’il articule avec une grande finesse dans l’appendice de Logique du sens, titré Platon et les simulacres17Gilles Deleuze, Logique du sens, Paris, Les Éditions de Minuit, 1969.. Le philosophe y décrit précisément en quoi la philosophie platonicienne ne fonctionne que par triage, triage qui ne s’effectue qu’à grand martèlement de mots d’ordre profondément philosophique et éthique. Une littérature qui communiquerait une information, dont le but premier serait de s’adresser à son lecteur ou sa lectrice afin de lui transmettre un message, serait une littérature incapable de résister aux mots d’ordre et au contrôle d’une époque précise. Ce serait une littérature qui n’aurait plus rien à voir avec la résistance puisqu’elle ne serait plus que l’un des canaux par lesquels passe l’information qui dicte des manières de croire et d’agir ; elle deviendrait une littérature entièrement subordonnée aux mots d’ordre de la philosophie, de l’éthique, de la connaissance, qu’elle servirait, domestique et domestiquée. Une telle littérature ne serait qu’une capitulation devant le « climat critique » qui l’assaille, une littérature des bons et des mauvais, où même les affects ne pourraient jamais être présents en eux-mêmes, mais où ils serviraient à leur tour le même but, se soumettant à cette logique d’oppositions fixes, et ce malgré l’apparence d’une transformation de leur rôle, qu’ils soient considérés comme bons ou comme mauvais. Intervertir le bon ou le mauvais ne change pas la fonction de contrôle qui sous-tend le discours de la communication dans tout ce qui le rapproche de la violence de la nomination :
Quel est le rapport de l’œuvre d’art avec la communication ? Aucun. Aucun, l’œuvre d’art n’est pas un instrument de communication. L’œuvre d’art n’a rien à faire avec la communication. L’œuvre d’art ne contient strictement pas la moindre information. En revanche, en revanche il y a une affinité fondamentale entre l’œuvre d’art et l’acte de résistance. Alors là, oui18Gilles Deleuze, « Qu’est-ce que l’acte de création ? », loc. cit..
On peut facilement supposer que le tournant vers les questions éthiques et pratiques – tournant qui présuppose du même coup que la théorie et le mystère ne sont pas dans le monde, présupposé hautement problématique dont il faudrait mesurer la portée – répond aussi à un désir d’attacher une certaine base empirique aux disciplines « abstraites » pour les légitimer face à la science19Notons d’ailleurs que le tournant éthique se produit à la même période que la fameuse Affaire Sokal. Voir Stephen, Hilgartner, « The Sokal Affair in Context », Science, Technology, & Human Values, vol. 22, no 4, 1997, p. 506-522., combat institutionnel qui perdure depuis l’avènement de l’université moderne, et qui est enchevêtré dans une époque de violences incommensurables, auxquelles il faudrait pouvoir répondre. Et il semblerait que pour établir cette légitimation, on se tourne de nouveau vers l’idée d’une utilité – seule chose qui, aujourd’hui, confère encore de la valeur aux objets, produits et vivants – propre aux phénomènes artistiques et sociaux. Autrement dit, il faut que l’art et la littérature soient au service de quelque chose, de l’éthique en l’occurrence, tel que le dit exactement Fondane dans la citation en exergue dont je rappelle ici la dernière phrase : « Une raison non pas physicienne, comme le pense notre époque, mais une raison éthique. » Il ne s’agit pas d’une vision nécessairement illégitime, mais il importe de saisir qu’en elle se tient tout un rapport à la littérature, rapport qui ne peut tenir lieu de prérequis.
On exclut la littérature seulement si elle ne répond pas à des critères qui lui sont extérieurs, à des critères qu’on lui impose, critères qui la lient exclusivement à l’histoire telle que celle-ci l’a institutionnalisée. C’est là le problème : on prétend connaître la littérature, mais la littérature est le lieu de la faillite de la connaissance, de la « raison » ; elle est le lieu où la pensée se déploie et se réfléchit, le lieu où s’ouvrent les possibilités et impossibilités de la pensée par la seule force de ses mises en scène virtuelles, et ce sans jamais clôturer le mouvement, sans jamais générer un système ordonné des connaissances, ni une raison suffisante. Une telle affirmation ne signifie pas non plus que la littérature est divine ou pure, ni que l’espace de la littérature, ou de l’œuvre d’art, doit être celui de l’« art pour l’art ». Elle signifie plutôt que la littérature est l’espace où se laissent aller la fureur et le sang qui palpitent dans le corps des mots, un espace qui n’est pas juste ni éthique, dès lors que ces deux catégories relèvent de la raison, d’une raison humaine ayant foi en sa propre raison. La lecture éthique, dans son fonctionnement même, ne sort jamais la littérature de son institutionnalisation, pas plus que de l’histoire que lui impose cette institutionnalisation, qu’elle sert en retour. La littérature sert alors à la fois le discours éthique et le discours historique qui l’accompagne ; elle suit la courbe « progressiste » du savoir, courbe à laquelle se rattache ensuite l’institution, et enfin les discours éthique et historique, ceux-là même que l’institution promeut. C’est seulement dans un tel contexte que peut apparaître « la conscience honteuse du poète20Benjamin Fondane, op. cit., p. 35. ».
La tragédie, lorsqu’elle n’est pas subsumée par la catharsis aristotélicienne, aborde déjà ces enjeux de manière oblique. Lorsque Némésis apparaît chez Sophocle, c’est Électre qui invoque la déesse pour appeler la vengeance sur Clytemnestre et Égisthe à la suite de la mort supposée de son frère Oreste qui lui aussi avait fait vœu de vengeance contre les meurtriers de leur père, Agamemnon :
Électre – Las ! Malheureuse que je suis ! Ah ! c’est bien maintenant que je puis gémir sur ton malheur, Oreste, alors que tu subis, jusque dans la mort, les outrages d’une telle mère. Est-ce pas complet ?
Clytemnestre – Pour toi, non ; pour lui, oui, tout est bien ainsi.
Électre – Entends, ô Némésis, vengeresse du mort qui vient de succomber.
Clytemnestre – Elle a entendu tout ce qu’il fallait, et elle a décidé au mieux21Sophocle, Électre, dans Tragédies complètes, Paris, Gallimard, coll. « Folio classique », 1973, p. 265..
L’appel à la déesse prononcé par Électre, auquel répond Clytemnestre en disant que Némésis a « entendu ce qu’il fallait », trace le cercle de la vengeance qui s’abat sur la famille des Atrides, cercle esquissé dès le meurtre d’Agamemnon, qui servait à venger le sacrifice d’Iphigénie. La tragédie grecque, on le sait, met en scène la fatalité qui touche non seulement les individus, mais surtout la filiation, acharnement des dieux sur une lignée qui n’a de cesse de payer le prix d’une offense dont on ne sait plus tout à fait l’origine. En ce sens, la tragédie et le mythe refusent la hiérarchie de l’original et de la copie, du vrai et du faux, puisqu’ils n’ont de cesse de rendre flou ce qui serait la vraie première offense, la bonne ou la mauvaise. Qui, de Clytemnestre ou d’Électre, a ici « raison » ? Aucune des deux, puisque leur langage n’est pas celui de la raison, ni de l’éthique, mais celui de la violence incurable des dieux, c’est-à-dire celui de la littérature : un langage qui, malgré les modulations et modifications que lui imposent les époques et les contextes politique, économique et moral dans lesquels il se déploie, continue de porter en lui une mémoire de tous ceux qu’il a auparavant possédés, un langage non pas hors du monde, mais si pris dans et par le monde qu’il en est, je le répète, incurable. Un langage pris par l’histoire certes, mais jamais par l’historicisme. « Entends, ô Némésis », ce n’est pas « entends mon message », mais « entends l’appel du sang – le nôtre – qui gicle du langage littéraire, du langage de la poésie, qui ne capitule devant rien, pas même devant les dieux dont il est le spectacle et le refuge. » Némésis, déjà chez Sophocle, est une modalité propre au littéraire : l’usage d’une personnification divine afin d’exprimer un impensable, simplement par la capacité qu’a le divin de représenter, de symboliser un surplus, un excès présent dans toute pensée, c’est-à-dire une fonction transcendantale – et là aussi on se borne trop souvent à penser que transcendance et divin ne sont que des synonymes l’un de l’autre, et les antonymes de l’immanence. Telle est la fonction littéraire des divinités, qui permet que le désir de vengeance d’Électre, tout comme celui de Clytemnestre avant le sien, soient mis en scène par l’appel à un surplus, à quelque chose qui les dépasse, qui les transcende toutes deux. Et puisque l’affect lui-même est un débordement auquel ne peut répondre la raison humaine,’ il revient à Némésis de prendre sur elle ce débordement. Or le châtiment de Némésis n’est pas un mot d’ordre : il ne communique ni à Électre, ni à Clytemnestre sa « raison d’être », pas plus que sa logique ; il advient, simplement, et surgit lui-même comme un nouveau débordement. En ce sens, Némésis incarne une vision de la littérature qui, refusant de se subordonner à l’éthique, se doit d’être une littérature où, comme le dit Klossowski, « ce sont les mots […] qui saignent, non pas les plaies22Pierre Klossowski, « Préface », dans Virgile, L’Énéide, trad. Pierre Klossowski, Paris, Éditions Trente-trois morceaux, 2015, p. 15. ». Une littérature incarnée par Némésis n’est pas une littérature qui nettoie, qui fait le ménage, qui purge, qui trie, mais une littérature où le sang de l’histoire est imbibé en chacune de ses pages et en chacun de ses mots ; une littérature, en somme, qui ne communique rien d’autre que sa propre palpitation. Et sa seule composante qu’on pourrait qualifier d’éthique serait celle qui, selon la pensée de Jean-François Lyotard23Jean-François Lyotard, Le différend, Paris, Éditions de Minuit, 1983., viserait à pointer les différends, mais jamais à les résorber. Car selon Lyotard, le propre du différend est sa persistance, à l’instar des résidus qui persistent dans les mots. Une littérature Némésis est une littérature qui châtie le différend, mais n’est jamais châtiée par celui-ci.
Pour citer cette page
Laurence Sylvain, « La menace littéraire : plaidoyer pour une littérature Némésis », MuseMedusa, no 8, 2020, <> (Page consultée le setlocale (LC_TIME, "fr_CA.UTF-8"); print strftime ( "%d %B %Y"); ?>).