Martin Hervé
Chercheur indépendant
Martin Hervé est titulaire d’une maîtrise en études littéraires de l’UQAM. Son mémoire de recherche s’emploie à dégager les motifs et les enjeux d’un rituel sacrificiel et pervers au sein des œuvres romanesques de Jean Genet et de Marcel Jouhandeau. Il s’intéresse également aux représentations artistiques du saint, du monstre et du fou. Anciennement chargé de programmation de la Maison des écrivains et de la littérature en France, il collabore aujourd’hui aux pages critiques de plusieurs magazines et revues, dont Spirale et Salon double.
Avec son deuxième roman traduit en français, Une douleur normale, l’écrivain italien Walter Siti poursuit sa quête métaphysique du désir. Alors qu’il s’est plu à se montrer amant et jouisseur compulsif du corps des hommes dans son premier livre, il se présente ici comme un homosexuel enfermé dans la gangue du couple. Par souci d’exhaustivité – ou bien est-ce dans le projet d’échapper aux rets de l’amour ? – son alter égo fictionnel, Walter, s’acharne à consigner dans le détail les trahisons et les mensonges du quotidien. Si la conjugalité s’avère pour lui impossible, alors seul en réchappera le texte né de cette apocalypse de la banalité. Anti-Don Juan en apparence, le narrateur du livre s’inscrit dans la tradition du séducteur transgressif par l’emploi d’un langage luciférien dont la lumière implacable vient éclairer les zones d’ombre de la passion, afin d’en faire jaillir la vérité crue. Vérité d’un sujet de l’écriture obsédé par la connaissance de soi et la quête de la jouissance, qui partage à ce titre une austère filiation avec un autre écrivain, Marcel Jouhandeau. Chez eux, Don Juan n’entretient qu’une seule et fidèle liaison depuis toujours, celle qu’il a contractée avec l’intraitable littérature.
The Italian writer Walter Siti continues his metaphysical research about desire in his second novel translated into French, Une douleur normale. If in his first novel he enjoyed presenting himself as a compulsive lover of men’s bodies, he portrays himself here as a homosexual trapped in the net of the couple. Siti’s fictive alter ego Walter details the betrayals and lies of everyday life, perhaps because he wants to be exhaustive or maybe even to escape the constraints of love. If life as a couple tends to be impossible for him, then only the writing born from this apocalyptic banality will remain. Anti Don Juan in all respects, the narrator of the book, Walter, represents the classic trespassing seducer, using a luciferian language that illuminates the shadows of passion to reveal passion’s blunt truth. This is the truth of a writer, obsessed with the knowledge of himself, who shares an austere affinity with another writer, Marcel Jouhandeau. For them both, Don Juan has only ever had one love affair, that is, an uncompromising affair with literature.
L’amour peut-il se résumer à une pyramide de faits empilés ? Dans la mire d’une telle œuvre comptable, la vie conjugale se réduirait à l’énumération des scènes attendues, depuis la grandiose genèse de la volupté jusqu’aux heures en demi-teintes des arrangements du quotidien et des défaites successives de soi face à l’autre. Si l’écrivain italien Walter Siti semble s’adonner à cette tâche dans son deuxième livre publié en français aux éditions Verdier, Un dolore normale1 Walter Siti, Un dolore normale, Torino, Einaudi, 1999. Pour la traduction française : Une douleur normale, trad. par Martine Segonds-Bauer et Martin Rueff, Lagrasse (France), Verdier, 2013. Désormais UDN. UDN, p. 52.
Avec Une douleur normale, Siti amorce le second mouvement d’une œuvre métaphysique et incarnée. Critique et essayiste, auteur de huit romans et responsable de l’édition des œuvres complètes de Pasolini dans la prestigieuse collection de Mondadori, Siti est encore trop peu connu au-delà des frontières italiennes. Son travail est pourtant majeur : songeons à sa récente décoration par le prix Strega pour son livre Résister ne sert à rien, traduit en français aux éditions Métailié3 S’il n’existe à ce jour aucune monographie en français dédiée à l’œuvre de Walter Siti, nous invitons le lecteur à consulter le livre de Francesca Giglio (Una autobiografia di fatti non accaduti. La narrativa di Walter Siti, Bari [Italie], Stilo Editrice, 2008) et le panorama de la littérature italienne contemporaine dressé par Alberto Casadei, où certains textes de Siti sont cités (Alberto Casadei, Stile et tradizione nel romanzo italiano contemporaneo, Bologne, Il Mulino, 2007).
Obnubilé par l’Éternel masculin, les formes avantageuses de ses pectoraux et de ses fesses, l’auteur révère les jeunes culturistes parés de soleil et de muscles. Ces corps tant aimés, il s’est plu à les raconter encore et encore dans Leçons de nu, son premier roman paru en Italie en 19944 Walter Siti, Scuola di nudo, Torino, Einaudi, 1994. Pour la traduction française : Leçons de nu, trad. par Martine Segonds-Bauer, Lagrasse (France), Verdier, 2012.
La recherche du soi, un autre écrivain hanté par le nu masculin l’a entreprise à sa manière par le passé : Marcel Jouhandeau. Ne le déclara-t-il pas radicalement au critique Henri Rode dans l’un de leurs entretiens ? « [J]e n’estime les gens que dans la mesure où, du moment qu’ils tiennent une plume, ils se séparent de tous pour être eux-mêmes seulement5 Henri Rode, Marcel Jouhandeau, son œuvre, ses personnages, Paris, Éditions de la Tête de feuilles, 1972, p. 82.
Don Juan s’endimanche
Walter, alter égo fictionnel de l’auteur, ouvre le récit sur le ton de la désolation. Son second roman a été refusé par son éditeur. Dans celui-ci, il souhaitait sublimer sa relation avec Domenico, « Mimmo », son amant de près de deux fois son cadet. Initialement, le manuscrit est un appel, un don fait à ce dernier cherchant à prouver qu’homosexualité et couple peuvent être envisagés conjointement. Anéanti par ce refus, le narrateur va donc reprendre son ouvrage, le triturer et le remanier en profondeur, accumulant des strates de sous-texte et de commentaires pour que toute vérité soit dite et la coupe bue jusqu’à la lie. Il s’évertue à n’omettre aucun détail, n’épargne ni ne s’épargne aucun des vices et des fracas dont leur relation a résonné au fil des deux années passées ensemble. Si le monde des lettres n’en veut pas, au moins le livre mettra les points sur les i avec Mimmo, mais surtout avec son auteur, quitte à ce que toute illusion de vie commune soit brisée. La littérature réussira là où le sentiment a lamentablement échoué. Elle seule en réchappera.
C’est donc à un Don Juan bien singulier que le lecteur a affaire ici6 Malgré toute l’imperfection que l’on peut reconnaître à son livre, il convient de signaler que Gregorio Marañon a abordé la question de l’indécision sexuelle et de l’homosexualité du personnage de Don Juan (Don Juan et le don juanisme, Paris, Gallimard, 1967 [1958]). Cette transformation sexuelle radicale, pour ce bourreau emblématique du cœur des femmes, se retrouve dans un certain nombre de réécritures modernes de la légende, comme dans la pièce de Roland Topor (L’ambigu, Creil [France], Dumerchez, 1996) ou dans le film de Joseph Losey (Don Giovanni, Paris, Gaumont, 1979). UDN, p. 79. Marcel Jouhandeau, Chronique d’une passion, Paris, Gallimard, 2005 [1949]. Un premier texte de Jouhandeau, baptisé Don Juan, est publié en 1929 dans La Revue européenne (numéro 6, juin 1929, p. 1855-1881). L’opéra de Mozart y occupe une place centrale. Ce texte est repris et augmenté sous la forme d’un livre paru chez Gallimard en 1948 (Marcel Jouhandeau, Don Juan, Paris, Gallimard, 1948). À la fin de sa vie, Jouhandeau publie un triptyque où le séducteur a, une fois encore, sa place : Bréviaire, portrait de Don Juan, amours (Paris, Gallimard, 1981). Sur le lien entre l’œuvre de Jouhandeau et le mythe de Don Juan, nous renvoyons à cet article bien documenté de Missotten Geert, « L’écriture et la vie dans l’instant : Marcel Jouhandeau et Don Giovanni » (Revue belge de philologie et d’histoire, vol. 76, fasc. 3, 1998, p. 745-754). Marcel Jouhandeau, De l’abjection, Paris, Gallimard, 2006 [1939]. Marcel Jouhandeau, Carnets de Don Juan, Paris, Arléa, 1988 [1947]. Désormais CDJ. CDJ, p. 294.
L’entreprise littéraire et mémorielle du narrateur sitien n’épargne donc rien à la vie conjugale. Il confesse les soumissions à l’amant, à ses goûts et à ses besoins. Le moi parfois s’oublie au profit de l’idéal projeté d’un ensemble. Les jours alors se muent en de parfaites scènes allégoriques. Les événements et les gestes les plus anodins, les moins ragoûtants même, vont acquérir le statut de scènes bibliques : « Quand je t’enfile le suppositoire d’aspirine tu me souris comme le faisaient les bergers juifs qui offraient à Dieu le plus bel agneau du troupeau sans avoir peur qu’il le refuse13 UDN, p. 42. Ibid., p. 60.
À la défaite des esprits se double la débâcle du sexe. Walter et Domenico font de plus en plus rarement l’amour. La volupté tant célébrée dans les premières aubes de la passion est prise en défaut, s’avoue vulgaire. Les caresses deviennent rituelles, automatiques. « Ne sachant éprouver l’amour, je l’invente15 Ibid., p. 81.
Malgré les épreuves, jamais la passion ne ressort grandie. Elle est modulée, répliquée plutôt dans une tentative de faire tenir l’édifice conjugal coûte que coûte. Par les mots, Walter se présente pourtant en creux comme le fossoyeur de leur relation – tout comme J. St. aimait à baptiser Jouhandeau « le Fossoyeur16 Marcel Jouhandeau, Chronique d’une passion, op. cit., p. 11. Nous l’avons dit, le Don Juan de Siti, par rapport à ceux qui l’entourent, en premier lieu Mimmo, manie la langue en rhéteur chevronné. Il se glisse ainsi dans l’archétype donjuanesque où le héros « est le virtuose de la parole, ce qu’il a en commun avec la plupart des Don Juan depuis Tirso et en général avec tous les séducteurs de la littérature ; chez Molière il est plus encore le maître de la parole d’autrui, celui qui autorise ou interdit despotiquement l’usage de la parole » (Jean Rousset, Le mythe de Don Juan, Paris, Armand Collin, 1976, p. 88). Walter va même jusqu’à réduire son amant au silence final, à un silence de mort, comme nous le verrons par la suite : assaut suprême du séducteur-fossoyeur. UDN, p. 61. Ibid., p. 25. Ibid., p. 73.
Le Don Juan selon Siti est donc à bien des égards un anti-Don-Juan. Alourdi par l’obésité et l’âge, il n’est plus le total jouisseur et charmeur hors pair du mythe. Désormais, il se trouve prisonnier de la gangue de l’amour et de la norme. Sa sexualité transgressive et censément libérée ne fait elle-même plus autant rougir que par le passé. Don Juan endimanché, Don Juan encagé20 Nous sommes bien loin du Don Juan de Molière qui déclarait : « Pour moi la beauté me ravit partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence où elle nous entraîne » (Molière, Dom Juan, Paris, Flammarion, 1998 [1682], p. 65). CDJ, p. 306-307.
Le Commandeur à la Syringe
À défaut de pouvoir aimer franchement, reste à Walter à réussir son roman, ce qui revient à congédier l’amant. La séparation sera même le gage de la réussite de son pari littéraire. Trempée dans un pessimisme déroutant, sa langue virevolte, se déroule et frappe, tel un serpent de lumière cruelle épinglant froidement les siens et le monde alentour. Walter se plie à ce qu’il ne nomme des « exercices de rhétorique infernale22 UDN, p. 61. Ibid., p. 54.
Ce fut à cette époque que les traductions (ou les annotations) en luciférien devinrent une espèce de névrose : « il ne ressemble à aucun autre, notre amour » (annotation luciférienne : « peut-être parce que ce n’est pas de l’amour ? ») ; « finalement je t’ai déniché » (réplique luciférienne : « pour toi je suis une truffe, j’en ai la forme et parfois même l’odeur »).24
Ibid., p. 61.
On aurait tort cependant de penser que le narrateur se complait à cette tâche. À d’autres moments, il cherche en effet à faire taire en lui la voix de la malice et à se couler dans le bonheur partagé du moment :
— Nous sommes un couple, pas vrai ? tu es mon tout petit ratou, rien qu’à moi ? L’instinct luciférien est sur le point de me suggérer une traduction mais je regarde les coupes de raisins, le soin qu’il a mis à les confectionner – je suis fier de cette conjugalité qui ne doute pas d’elle, cette floraison de gemmes. Laissez-moi mourir ainsi, le printemps sur les yeux.25
Ibid., p. 171.
Un répit occasionnellement se présente : Walter et Mimmo s’aiment en sursis. Le narrateur ne se laisse pourtant pas duper trop longtemps et ses vieux démons le reprennent. Comme Jouhandeau, réputé pour son orgueil luciférien, Walter troque la veste du professeur d’université pour se faire Méphistophélès moqueur et sévère. Or, à sa langue irradiant d’un intraitable éclat (n’oublions pas que Lucifer, de par son étymologie latine, signifie « Porteur de lumière ») s’ajoute un autre mécanisme redoutable afin de régler son compte à la passion. Au cours de la réécriture, Walter fait appel à une nouvelle typographie pour souligner la reprise de son texte. Ce jeu de police, d’incrustation et de tissage mine toujours plus le terrain du sentimental, tandis que le grotesque et le pathétique ressortent triomphants. Déroutante lecture, où le regard est happé et égaré par un ensemble de crochets, de parenthèses, d’italiques et de polices protéiformes, où l’écrit tout entier semble concourir à la mise à mort de la vie conjugale : système machiavélique et sophistiqué d’un écrivain obsédé par la lettre. Néanmoins, le lyrisme décadent et les tournures techniques prises par sa langue enivrent le lecteur plutôt qu’ils ne l’étouffent. Il faut rendre grâce ici aux talents de la traductrice, Martine Segonds-Bauer, soutenue dans son travail par Martin Rueff. Elle a surmonté de manière remarquable la difficulté de retranscrire le complexe système scriptural et linguistique de l’écrivain. Ajoutons que, dans ce défi d’écriture que se lance Siti, les nombreux recours aux dialectes italiens et les poèmes, magnifiques, de la banalité de l’instant sont rendus au lecteur francophone avec une saisissante clarté.
Au seuil du livre, le narrateur dévoile l’image de la Syringe qui a présidé à ses ébats avec Mimmo. La Syringe donc, majuscule de figure sacrée à l’appui, est « une espèce de pistolet automatique qui tire une aiguille très fine dans les corps caverneux du pénis pour y injecter un liquide qui favorise l’érection. Les moments les plus beaux que nous avons vécus ensemble, nous les lui devons26 Ibid., p. 208.
On peut démontrer scientifiquement qu’il est impossible pour deux mâles de s’aimer longtemps. Pour un homosexuel, les mâles sont une illusion d’optique : vouloir mener une vie commune, en revendiquant toutes les prérogatives d’un amour fertile et sincère, c’est faire comme le singe qui croit trouver un autre singe derrière le miroir.27
Ibid., p. 209.
Face à cette assertion, on songe évidemment aux propos de Freud sur la formation du sujet homosexuel masculin. Selon lui, ce sujet aime les autres garçons à la mesure de l’amour que sa mère lui a porté dans sa tendre enfance, comme à travers un miroir28 Dans le cas d’un jeune garçon homosexuel, le sujet « refoule l’amour pour la mère en se mettant à la place de celle-ci, en s’identifiant avec la mère et en prenant sa propre personne pour le modèle à la ressemblance duquel il élira ses nouveaux objets d’amour. Il est ainsi devenu homosexuel ; à vrai dire il a glissé en arrière dans l’autoérotisme, étant donné que les garçons que l’adolescent aime maintenant ne sont que des personnes substitutives et des renouvellements de sa propre personne enfantine qu’il aime comme sa mère l’a aimé enfant. Nous dirons qu’il trouve ses objets d’amour sur la voie du narcissisme » (Sigmund Freud, Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci, Paris, Presses Universitaires de France, 2012 [1910], p. 47-48). CDJ, p. 43.
Si toute passion est vouée à l’échec et à la frustration, notre narrateur n’a plus qu’à se cloîtrer dans le caveau de son imaginaire. Au sein de cette intériorité protégée, il redécouvre la statue du Commandeur, qui se dévoile dans une nouvelle mais toujours redoutable forme : la Syringe. La statue n’a rien ici de ce « vieillard infatué30 « No, vecchio infatuato ! » lance l’impudent Don Giovanni au Commandeur (Wolfgang Amadeus Mozart, Don Giovanni, éd. par Burton D. Fisher, Miami, Opera Journeys Publishing, 2002, p. 73). Maurice Blanchot, « Orphée, Don Juan, Tristan », L’entretien infini, Paris, Gallimard, 1969, p. 280. Camille Dumoulié, Don Juan ou l’héroïsme du désir, Paris, PUF, 1993, p. 74. Nous renvoyons le lecteur à l’analyse de Camille Dumoulié du mythe de Don Juan sous l’angle de la psychanalyse. Le Père dans le triangle œdipien incarne la loi qui s’oppose au « je » jouisseur de l’enfant et se fait l’agent de la castration symbolique, parce qu’il doit être reconnu par le sujet en tant que détenteur du phallus. Comme figure paternelle coercitive et émissaire divin (Dieu, ultimement, s’apparente à la Loi), le Commandeur occupe à plus d’un titre cette place : un père que le sujet donjuanesque a mis à mort ou qu’il feint d’ignorer, rappelons-nous, ce qui peut le rattacher à la tradition du sujet pervers, éternel transgresseur s’obstinant à ne pas reconnaître l’instance paternelle. Soulignons que, par de nombreux aspects, le livre de Walter Siti se présente comme le terrain fertile d’une étude de la perversion. Dans sa minutieuse analyse des invariants du mythe de Don Juan, Jean Rousset revient longuement sur la figure du Mort et sur le geste qui le lie au héros : « Au centre de la troisième scène, le repas chez le Mort, je crois qu’il faut placer d’abord un mot et un geste qui sont présents partout et toujours sous la même forme […]. Ce mot, c’est une injonction du Commandeur à Don Juan, à laquelle celui-ci ne se dérobe pas : Donne-moi la main » (Jean Rousset, op. cit., p. 34). Ne serait-ce pas là l’un des seuls signes survivants de la légende, à savoir la main tendue entre le Commandeur et le héros ? Chez Siti, il nous semble que ce contact est rendu imaginaire car la fiction est distillée dans le fantasme, et que le geste rituel se commue en mouvement masturbatoire : main tendue qui caresse un sexe tout aussi tendu mais vidé de son potentiel de plaisir, tel un signe creux. UDN, p. 217. Molière, op. cit., p. 66.
Sous les pieds de Walter, le sol ne se dérobe pas pour révéler les flammes dévorantes de l’enfer. Mimmo, par contre, bascule dans le vide de la fiction. Celui dont les mots n’ont jamais réussi à le défendre efficacement est réduit au silence éternel. La punition de l’écrivain : les événements se réalisent tels qu’il les avait envisagés. Le livre est réussi, publié même ; Domenico, parti. Restent les mots antinomiques de la lucidité et de la jouissance, et une douleur somme toute normale.
Pour citer cette page
Martin Hervé, « En finir avec le beau de la passion : le Don Juan résigné de Walter Siti » dans MuseMedusa, <> (Page consultée le setlocale (LC_TIME, "fr_CA.UTF-8"); print strftime ( "%d %B %Y"); ?>).
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