Carole David
Poète, romancière et nouvelliste
Poète, romancière et nouvelliste, Carole David détient un doctorat en études françaises. Très engagée dans son milieu, elle a été présidente de la Commission du droit de prêt public (2004-2006), de la Maison de la poésie de Montréal (2006-2010), de même que du comité littérature au Conseil des arts de Montréal (2012-2015). Manuel de poétique à l’intention des jeunes filles (2010), a reçu le prix Alain-Grandbois et a été finaliste pour le prix du Gouverneur général. Son dernier recueil, L’année de ma disparition (2015), a été finaliste au Grand prix de la ville de Montréal et a reçu le Prix des libraires.
À Frontier City, une parole de la Bible a fait son temps
la rouler comme une cigarette, y mettre le feu,
Je ne suis chez moi nulle part sur cette Terre
le jour des noces, elle a donné ses avoirs
valises tressées de cordes, cercueils
regroupés en castes, un piège de main d’homme ;
consternée, infidèle dans le mythe, se laissant
pour morte, alors vaut mieux partir avec le corps
de son frère dans le coffre de la voiture, rouler
contre le jour le soleil aux pieds avant que les fruits
mûrs ne tombent de l’arbre que la poussière
ne devienne tissu, syllabes,
je suis noire et maigre
Pietà aux aguets sur le rocher de Lampedusa
soudain les eaux amènent les cadavres vers leur nuit,
oiseaux échoués, têtes coquillages ; elle s’agenouille,
bouche à bouche sur les peluches bleues ;
les doigts trempés, respirant la vengeance des dieux,
nulle douleur ; tête couverte du sel de leur traversée,
elle ouvre les portes du cimetière, conduit leur dernière vie
dans la crypte, épelle leurs noms, grave leurs cris sur les stèles ;
rimes embrassées, voix anciennes, sa colère résonne
sur le continent aussi loin que leur passé.
D’entre les murs de la chambre d’adoration
d’où pénètre un lointain paysage, vestiges brûlés,
on t’apporte un peu de nourriture, une lettre d’adieu,
jamais ouverte : Oh ! Combien je t’aime, je pense à toi ;
plongée dans ta propre cérémonie, les draps de coton,
désordres cosmiques, empreintes volées aux tueurs en série ;
ton bourreau, l’ombre de ton père, fredonne un air
qui te fait t’étouffer dans tes propres larmes jusqu’à
ce que ton cerveau devienne rouge de terreur, hypnotisé ;
et n’écoutant que toi, tu meurs de ta folie
Pour citer cette page
Carole David, « Trois visages d’Antigone », MuseMedusa, no 4, 2016, <> (Page consultée le setlocale (LC_TIME, "fr_CA.UTF-8"); print strftime ( "%d %B %Y"); ?>).
[ezcol_1half]
Page précédente
insoumise[/ezcol_1half]
[ezcol_1half_end]
Page suivante
Entretien avec Pierre Bartholomée[/ezcol_1half_end]